Après avoir passé deux heures en voiture sur les routes de verre et regardé par la fenêtre les plates-bandes de verre concassé, tu te retrouves maintenant sur une magnifique plage, les deux pieds dans le sable… de verre ! Absurde, dis-tu? Hey bien non : c’est une réalité qui est en train d’évoluer grâce aux nouvelles technologies de valorisation du verre recyclé !
Des recherches effectuées démontrent que le verre dans les matériaux routiers améliore la résistance au gel, diminue les déformations causées par ce dernier et entraine une diminution des coûts énergétiques et économiques. C’est ce qu’a indiqué le professeur-chercheur spécialisé en géotechnique routière de l’École des technologies supérieures à Montréal (ÉTS), M. Michel Vaillancourt.
Les recherches font bonne route
Tels des chercheurs d’or, des étudiants tamisent des particules de verre; d’autres utilisent un énorme robot mélangeur pour faire la recette parfaite de matériaux bitumineux; des montages sont faits par d’autres étudiants armés de lampes chauffantes. C’est ce à quoi ressemblent les laboratoires sur les chaussées et matériaux bitumineux (LCMB) de l’ÉTS. Les recherches vont bon train depuis le lancement du projet d’ajout de verre dans les constructions routières, il y a près de quatre ans. Le but ultime des recherches : améliorer la qualité des routes du Québec en y introduisant du verre post-consommation, c’est-à-dire du verre recyclé. Malgré ces résultats, des essais sur nos routes doivent être faits, ce qui est retardé par un manque de financement souligne M. Vaillancourt. Ce ne sont toutefois pas les idées de recherche qui manquent : « Une étudiante au doctorat [fera l’évaluation de] l’analyse du cycle de vie [des] différents aspects, autant du point de vue économique qu’environnemental; les différentes solutions ou les différentes options qu’on a en incorporant du verre », nous confirme le chercheur.
La poudre de verre à la rescousse
Ces études ne seraient pas permises sans la création de poudre et de petites particules de verre par des centres de tri de matières recyclables. C’est notamment le cas pour Tricentris, un organisme à but non lucratif qui a investi dans les technologies de réduction en poudre du verre post-consommation. Le verre est réduit en particule pouvant être 200 fois plus petite qu’un grain de sable. Le verre est alors recyclé en totalité et les possibilités d’utilisation sont infinies.
Déjà en 2005, un chercheur à l’Université de Sherbrooke, M. Arezki Tagnit-Hamou, recherchait de la poudre de verre recyclé pour l’inclure dans la composition de ciment afin de réduire l’empreinte écologique associée à la production de ce dernier. Tricentris s’est alors lancé dans le projet de créer ces matériaux et de les rendre disponibles sur le marché. Aujourd’hui, la poudre de verre VERROX est un matériau issu de verre recyclé. La poudre plus ou moins fine a une valeur plus importante que son antécédent, soit le contenant en verre mis au recyclage. Avec cette innovation, Tricentris prouve que le recyclage au Québec est utile et rentable. « La valeur ajoutée est le nerf de la guerre : c’est remplacer quelque chose par quelque chose de mieux [pour] améliorer le produit », indique l’Ambassadeur Verrox chez Tricentris, M. Gregory Pratte.
Cette poudre de verre est alors vendue pour des utilisations les plus variées les unes que les autres, mais toujours avec une valeur ajoutée au produit. La poudre de verre permet de remplacer principalement le sable et autres petites roches qui sont des ressources non-renouvelables.
Les capacités de réflexion du verre mises à profit
En plus de son utilisation dans les matériaux routiers, la poudre de verre est mélangée au terreau de plants de vigne sur certains toits de la ville de Montréal.
Ce mélange permet aux racines du plant de mieux se développer puisque les particules de verres se compactent moins que le terreau. La capacité de réflexion du verre permet aux rayons de se refléter sur les fruits pour accélérer le mûrissement. Le rendement des vignes est alors maximisé et les raisins, plus sucrés.
Les LCMB désirent aussi exploiter cette capacité de réflexion du verre dans des matériaux bitumineux utilisés dans les cours d’école et possiblement les stationnements. Ces changements de surface du sol permettraient de réduire les grandes chaleurs dans les villes. Des revêtements composés de 20 % de particules de verre réfléchissent les rayons et entrainent une baisse des températures jusqu’à 6° Celsius et du fait même, les gazes à effets de serre. Ce type de mélange n’est toutefois pas conseillé pour la construction des routes puisque sa résistance au trafic est diminuée. De plus, les poudres de verres remplacent avantageusement le paillis de cèdre dans les plates-bandes, le sable dans les systèmes de filtration de piscine et le sable abrasif dans des machines à pression. Les idées ne manquent pas et la motivation non plus ! Le verre n’est plus la bête noire du recyclage, mais plutôt une mine d’or qui ne demande qu’à être exploitée.
Anne-Marie Gagné
Je voudrais remercier M. Michel Vaillancourt pour son temps et sa patience à mon égard en tant que nouvelle dans le métier de journaliste; M. Gregory Pratte pour m’avoir si bien éclairée sur les possibilités du recyclage du verre au Québec; Amélie Daoust-Boisvert pour son soutien, son aide et ses conseils tout au long de la création de ce travail.